Le mythe du super-contrôleur.
Publié par Denis Tellier le
Je participe à des sessions de formation au métier de contrôleur de gestion. Et quand je vois le contenu de certains programmes, ça me fait bondir.
Je passe sur le programme fait par une personne totalement ignorante du sujet, qui s’est contentée de pomper Wikipédia sans savoir de quoi il en ressort. (oui ça existe).
Dans le cas présent, j’attire l’attention sur des phrases régulièrement lues dans les programmes de formation, et des fiches de descriptif de poste. Celles-ci mentionnent:
« Le contrôleur de gestion proposera un plan d’action … «
« Le contrôleur de gestion devra mettra en place un plan d’action … »
« Le contrôleur de gestion conduira le plan d’action et sera garant de sa réussite … »
Etc …
Non, non, et re-non. Car si un jour vous tombez sur un contrôleur de gestion qui a les compétences commerciales, informatiques, industrielles, marketing, qualité, communication, et « je-ne-sais-quoi-d’autre », pour trouver TOUTES les solutions ! GARDEZ LE ! C’est un génie et payez le très cher !
Il est inutile de payer confortablement des responsables de service pour qu’une autre personne lui dise quoi faire lorsque la réalité ne colle pas au budget. C’est clairement une délégation de responsabilités.
Donc NON, le contrôleur de gestion n’est pas un surhomme (même s’il aurait bien voulu). Il est incapable de proposer des solutions innovantes, dynamiques, pertinentes, dans tous les domaines. La décision du plan d’action relève du responsable, et uniquement lui. Par contre, il est capable de le rédiger, de le chiffrer, et de suivre son évolution. C’est le caillou dans la chaussure qui rappelle au responsable de service (centre de profit, filiale, …) que celui-ci a pris un engagement et qu’il faut le tenir. Merci de ne pas inverser les rôles.
L’enseignement dicte la théorie qui voudrait que le contrôleur soit force de propositions. Soit. Avoir cette qualité est un plus indéniable pour se vendre. Mais il faut rappeler aussi que le contrôleur ne fait pas le travail à la place du responsable.
De là à dire que le contrôleur doit proposer, gérer, et être garant de réussite, est une ineptie profonde.
Cette mise au point étant faite, il reste néanmoins un sacré paradoxe.
Car la réalité en entreprise est tout autre. La plupart des responsables prennent le contrôleur pour un simple faiseur de tableaux. Un type qui a accès aux données et qui les manipule. Tableau par-ci, tableau par-là, et … c’est tout. Alors oui le contrôleur est là pour aider les décisionnaires. Mais ceux-ci, une fois le tableau en main, se contre-fichent de l’avis du contrôleur. Il y a une opposition complète entre l’enseignement et la réalité du terrain. La force de proposition tant voulue par les recruteurs, et vendue par les formations, n’est quasiment jamais exploitée.
Je m’appuies sur mes expériences passées. Lorsque j’apportais des études chiffrées, tout allait bien, mais dès que j’essayais de donner un avis, un conseil, le couperet tombait. Une sorte de : « Laisse les grands faire ».
Et parfois, les décisions prises par les responsables ne m’ont pas semblé pertinentes. Mais ce n’était que mon avis. Alors quelle satisfaction, quelques mois plus tard, chiffres à l’appui, de savoir qu’ils ont fait une erreur. Malheureusement, une satisfaction ternie par de la déception, sachant que c’est l’entreprise qui subit.
Finalement, on devrait proposer des stages de contrôle de gestion à des responsables pour qu’ils puissent se faire une véritable idée du métier.
Un peu comme les stages de moto proposés aux automobilistes pour mieux comprendre la vie d’un deux-roues.
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